Pendant mes vacances, j’ai randonné en itinérance sur plusieurs jours avec ma famille. Cette année, c’était dans les Pyrénées occidentales de Hendaye à Saint Jean Pied de Port.
Marche le jour, camping le soir.
Sac à dos avec tente, matelas, sac de couchage et de quoi manger.
Une quasi autonomie le long du GR10.
Un bon exercice pour commencer les vacances, tester un type de “vacance(s) active(s)”…
Je vous fais part des pensées, prises de conscience qui me sont venues en cheminant.

Qu’une journée de marche m’enrichit !
La richesse d’une journée de marche est incroyable, tant par les paysages que je traverse, que par les émotions qui m’habitent, que par les interactions avec mes co-marcheurs.
Pas d’interruption venant de l’extérieur, c’est simple les téléphones sont en mode hors ligne et de toutes façons, le signal est faible ou inexistant. Peu de marcheurs ou en tous cas peu de marcheurs itinérants.
Peut-être est-ce que je trouve la journée très riche car je n’ai qu’une seule chose à faire, marcher et que cela m’est plus facile d’être plus attentive, plus présente à ce qui se passe en moi et autour de moi ? Et que la Nature, dans cette attention, me livre plus de choses que ce qui n’apparait sur une carte postale de vacances.
Peut-être aussi car je suis en vacances et que j’ai décidé de ne pas être ballotée par le flot des demandes extérieures.

Je me sens petite dans le giron de Mère Nature
Je ressens de l’humilité et de l’émerveillement face à cette nature solide et auto-suffisante. Qu’est ce que j’apporte à ce monde qui fonctionne bien, qui a ses règles, son fonctionnement bien huilé ? Les choses sont remises à leur place : je ne suis pas grand chose ou en tout cas pourquoi est-ce que moi, être humain, j’aurais plus d’importance que le scarabé qui travaille ou que le chardon qui pousse ? C’est d’autant plus frappant que la présence humaine est assez rare. Même si nous empruntons un chemin bien balisé, nous ne traversons que peu de routes, nous n’entendons que peu de voitures. Nous avons par moment l’impression que nous arrivons “nulle part”.

Le plaisir des sens…

/// Les acteurs de notre randonnée : une salamandre, les pottocks en (semi-)liberté avec leurs poulains, le vol des oiseaux de proie, les brebis, les moutons, les cochons, les scarabées, les fourmis, un serpent, une salamandre, les taons, les jars, les poules, les chiens, le bébé limace sur mon sac à dos un matin, un paon au détour d’un chemin, des abeilles mais aussi des noisetiers, des figuiers, des chardons, de la bruyère, le ciel étoilé, la lune…

/// La bande son : le jars qui crache, les chiens qui aboient, les abeilles qui bourdonnent, le bruit des cigales, le bruit du torrent, le silence de la nuit, le vent dans les arbres, la cloche de l’église, le chant du coq…

/// Les odeurs : la bruyère, l’odeur de l’humidité lorsque nous approchons d’un ruisseau

/// Les plaisirs culinaires : la saveur de l’eau lorsqu’elle se fait rare ou qu’un point d’eau se dessine alors que les gourdes sont vides, les crudités lorsque j’ai la chance de pouvoir en manger, le goût des plats lyophilisés chaque jour différent (le réconfort après l’effort)

/// Les ressentis : la brumisation des nuages bas, le poil des pottocks, le vent dans les cheveux, le chaud du soleil, l’eau glacée du torrent, les muscles qui travaillent, la soif qui se fait sentir, la petite douleur des ampoules qui se forment, l’inquiétude d’avoir perdu son chemin…

 

Je marche donc la vacance arrive…
La vacance n’arrive pas tout de suite. Les débuts de journées (notamment la première !) sont souvent difficiles. Mon cerveau me donne du “Il fait trop chaud, je n’en peux plus” ; “encore tout ça à monter, je n’y arriverai pas”. Je me concentre alors sur mes gestes, sur ma respiration, sur les petites pierres du chemin… Après quelques heures de marche, les pas se font plus automatiques et mon cerveau se “déconnecte” de temps en temps. Je sens une prise de distance, un certain détachement sans idées, sans pensées. Revient ensuite le flow des pensées. Un éternel va et vient qui fait écho à mes tentatives de méditation.
Un moment difficile pour moi survient quand mon entourage fait écho en exprimant tout haut ce que mon cerveau me répète dans ma tête… Mais le pire c’est quand on me demande (pour fuir le moment présent qui devient insupportable ?), de parler de quelque chose comme “mes vacances idéales”, “la maison de mes rêves”. Dans ces moments là, j’aimerais me retrouver toute seule pour me concentrer juste sur ce qui se passe en moi et ces moments de vacance que j’apprécie tant.

 

Je retrouve le bonheur des choses simples
La liste peut être longue :

  • être toujours dehors, qu’il fasse chaud ou plus frais, avec cette impression de pouvoir respirer librement ;
  • sentir mon corps qui fonctionne bien et que l’utiliser me procure un grand bien-être ;
  • dormir dans un vrai lit après les nuits sur un matelas de camping, s’asseoir sur une chaise avec un dossier après les pauses assise par terre, une bonne douche après la transpiration de l’effort et de la chaleur.

Je remets le curseur au bon niveau : je ressens avec émerveillement ce que je prends pour acquis dans mon quotidien et qui a perdu de sa saveur. Et je ré-expérimente cela d’année en année, rando après rando comme si mon curseur se déréglait systématiquement après une vie “en ville”.

Je me révolte contre l’utilisation de nous-même contre nature de notre monde moderne : enfermés, assis à un bureau ou affalés dans un canapé avec la conclusion évidente, qu’il ne tient qu’à moi de redresser le curseur.

 

Randonner m’a permis de ralentir ; d’expérimenter ses bienfaits sur la richesse de mes perceptions, de mes sensations, de mes pensées. Mais, même si cela ralentit mon rythme habituel, la richesse environnante est telle que même randonner est peut-être trop rapide pour moi. Peut-être est-ce que cela vaudrait la peine de ralentir encore plus ? Essayer de musarder (j’ai trouvé une définition qui me va bien « perdre son temps à des riens »… Après mon imagination prend le dessus :  je me vois en petite musaraigne qui pointe le bout de son nez et va, moustaches au vent découvrir le monde…) pour profiter différemment de l’expérience.
Bien sûr, il n’y aurait plus cet élément “sportif” de dépassement de soi.
Peut-être y aurait-il moins aussi de cette vacance qui m’interpelle.
A expérimenter une autre fois ?
En famille ? Seule ? A réfléchir en tous cas !